La crise des subprimes expliquée à mes élèves
Phase 1 : le boom des crédits hypothécaires aux USA
Pour illustrer et simplifier notre propos, suivons le parcours de John, américain modeste, marié père de 2 enfants. En 2004, John profite des taux d'intérêt historiquement bas et du peu de contrôle opéré par sa banque sur sa solvabilité pour contracter un crédit immobilier et devenir propriétaire. Le contrat passé avec sa banque est un prêt hypothécaire assorti d'un faible taux d'intérêt, fixe, pour les deux premières années, puis un taux variable pour le reste de l'emprunt.
Ainsi, depuis 2001, de nombreux établissements de crédit ont accordé trop facilement des prêts aux ménages les plus modestes. Comme le risque est élevé, les taux d'intérêt* vont l'être également, particulièrement après les 2 premières années du contrat d'où le terme de subprime (surprime). En 2007 ses crédits représentaient 1 200 milliards de dollars soit 13% des crédits immobiliers (1)
* : le taux d'intérêt c'est « le prix de l'argent », la banque qui émet le prêt le fixe en fonction du taux directeur pratiqué par la banque centrale mais aussi du risque qu'elle prend, plus le ménage est modeste plus le risque de non remboursement est grand
Phase 2 : la titrisation : les banques revendent les crédits
La banque de John ne va pas garder la créance liée à son emprunt immobilier mais la revendre à une autre banque (banque d'investissement) pour pouvoir trouver des fonds et continuer à prêter aux ménages.
C'est la titrisation (2) : mécanisme qui consiste à transformer des créances (crédits, prêts) en titres (obligations). Ces titres vont être revendus afin de récupérer des liquidités et indirectement disperser le risque. Cependant le risque n'est pas éliminé, il est juste disséminé dans de nombreux fonds de placements bancaires aux USA et dans le reste du monde. Ces fonds de placements, attirés par des rendements élevés vont racheter ses obligations devenues toxiques voire même « pourries » = junk bonds.
Phase 3 : la crise des subprimes éclate
A partir de 2006 le taux d'intérêt lié à l'emprunt de John augmente considérablement, ses mensualités deviennent insoutenables il n'est plus en mesure de rembourser, sa maison est saisie pour être revendue mais aucun acheteur se présente ; fin du rêve américain
Avec la remontée du taux d'intérêt (le taux directeur de la FED, banque centrale américaine était de 1% en 2004, il grimpera jusqu'à 5,25% en 2006) (3) des milliers de foyers américains, à l'instar de John , se sont déclarés en faillite personnelle (303 000 expulsions pour le seul mois d'août 2008) ; l'afflux de maisons à vendre entraîne l'effondrement du marché immobilier, les prix baissent à tel point que la revente, si un acheteur se présente, ne suffit plus à rembourser la dette. Certaines banques spécialisées dans le crédit ou le rachat de crédit immobilier se retrouvent en difficultés faute de pouvoir se rembourser en revendant les maisons hypothéquées : c'est la crise des subprimes.
Phase 4 : le crédit crunch : les banques resserrent le crédit
John n'a pas remboursé sa dette, la maison appartient désormais à la banque mais ne se vend pas...
Les titres s'appuyant sur ces crédits immobiliers (les fameuses subprimes) voient leur valeur chuter car les investisseurs cherchent à s'en débarrasser ; il leur faut en effet trouver de l'argent (on dit se refinancer) pour éponger leurs pertes. Mais les banques sont méfiantes, elles ne prêtent plus qu'à des taux élevés et demandent des garanties. Le crédit devient de plus en plus rare et difficile à obtenir : c'est le crédit crunch (en français resserrement du crédit). L'internationalisation des marchés financiers fait que de nombreux établissements bancaires à travers le monde n'arrivent plus à trouver les liquidités nécessaires à leur refinancement. La méfiance se généralise, les bourses paniquent et certaines banques, assurances et hedge funds (fonds spéculatifs) sont au bord de la faillite.
Phase 5 : l'intervention des autorités
Devant l'ampleur de la crise, les banques centrales et les autorités publiques injectent des milliards de dollars de liquidités pour rassurer les marchés et racheter les obligations « pourries » ou « toxiques ». Certains établissements sont ainsi renfloués (Bear Stearn, Nothern Rock, Freddie Mac, Fannie Mae, AIG ...) tandis que d'autres font faillite (Lehman Brothers). L'addition s'élève aujourd'hui, pour les seuls Etats-Unis, à plus de 1 000 milliards de dollars soit plus de 3 200 dollars par foyer ; la dette publique américaine, déjà très importante s'élèvera après le plan de sauvetage de 700 milliards proposé vendredi par l'administration Bush à 11 300 milliards de dollars...Ce plan est énorme, mais cela ne suffira pas à sauver tout le monde", affirme Christian Menegatti (du fonds d'investissement RGE Monitor) qui estime le montant des mauvaises dettes des banques entre 1 500 milliards et 2 000 milliards de dollars, soit plus que le double du plan de sauvetage annoncé vendredi 19 septembre. (4)
Si l'inflation semble jugulée depuis la fin de l'été, les marchés boursiers restent très instables et les experts ne sont pas très optimistes, la plupart restent convaincus que nous ne sommes pas encore sortis de cette crise historique.
(1) B. Masse-Stamberger, L'express, 14 /05/2008
(2) Lexique, Libération, 22 septembre 2008
(3) Philippe Coste, L'express, 07 février 2008
(4) Claire Gatinois, Le monde, 23 septembre 2008
I. Koquely